Découvrez notre Flash Actu #42 « Spécial Congés payés et Maladie ». Le 13 septembre, la Cour de cassation a franchi un cap en matière de congés payés en s’appuyant sur le droit européen pour prendre les arrêts maladie pour l’acquisition des droits à congé payé. Deux autres décisions du même jour portent, pour l’une, sur la prise en compte des arrêts de travail AT/PM dans le calcul des droits, et pour l’autre sur la prescription.

Aux origines de la mécanique qui a conduit aux arrêts du 13 septembre 2023

Aux origines, était la directive européenne 2003/88 de l’Union européenne du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail et son article 7.

Celui-ci dispose que « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. »

La Cour de Luxembourg a développé une jurisprudence importante sur les conditions dans lesquelles l’exercice du droit à congés payés doit être garanti et ceci même si une période d’arrêt maladie, le cas échéant de longue durée, intervient (à l’origine, CJUE 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, aff. C-350/06).

La Cour de Luxembourg avait alors rappelé sa jurisprudence issue de l’arrêt « BECTU » de juin 2001 et indiqué que « le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé » (CJUE 24 janvier 2012, Dominguez, aff. C-282/10).

Les arrêts du 13 septembre 2023 : 4 apports

Les arrêts du 13 septembre 2023 apportent plusieurs apports :

1- Congés payés et congé parental.
2- Acquisition des congés durant l’arrêt maladie : alignement sur la CJUE et l’article 7 de la directive de 2003.
3- Acquisition des congés au-delà d’une année ininterrompue :
4- Point de départ du délai de prescription : fin de la période de prise des congés dès lors que l’employeur justifie d’avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.

Des zones d’ombres suite aux décisions de la Cour de cassation

Jusqu’à quelle date un salarié peut-il revendiquer l’acquisition des congés payés ? Devons-nous appliquer le délai de prescription de 2 ans (si le contrat de travail est toujours en cours) ou devons-nous appliquer le délai de prescription de 3 ans (si le contrat de travail est rompu) ?

Quel est le point de départ ? Le point de départ ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés. La preuve des mesures nécessaires est rapportée par tout moyen.

Existe-t-il une limite au cumul des congés payés ? La Cour de Justice de l’Union Européenne est venue limiter le cumul en affirmant que l’esprit de la directive de 2003 constitue un droit au repos, néanmoins ce droit au repos n’est pas indéfini. Les Etats peuvent prévoir une période de report et donc limiter la prise des congés qui auront été acquis. Il faut toujours avoir mis le salarié en mesure d’avoir exercé son droit au repos. La CJUE a considéré que le délai de 15 mois était raisonnable (CJUE du 9 novembre 2023). Il est raisonnable également de demander la prise effective de congés sur 2 périodes de référence consécutives.

Un salarié en arrêt maladie pendant 3 ans peut-il cumuler 5 semaines de congés payés ou 4 semaines comme le droit de l’Union Européenne ? Actuellement, le Conseil d’État pour les agents de la fonction publique, octroie déjà la possibilité de reporter jusqu’à 4 semaines de congés payés.

Les perspectives

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre 2023 sur 2 questions :

  • Droit à congés payés en cas d’arrêt maladie / droit à la santé et au repos
  • Différence de traitement selon la cause de l’arrêt maladie / principe d’égalité

Le Conseil constitutionnel dispose d’un délai de 3 mois pour rendre sa décision.

Le Gouvernement penche actuellement sur une réécriture des articles du code du travail et les pistes de réflexion sont les suivantes :

  • Le droit au report des congés payés serait sur 15 mois.
  • Alignement sur la jurisprudence européenne dans la limite de 24 jours ouvrables par an.
  • L’état va instaurer une nouvelle obligation pour l’employeur : ce dernier devra informer le salarié dans les 10 jours suivant sa reprise de travail, du droit à congés payés et du nombre qu’il a acquis pendant son arrêt maladie.

Conseil et préconisations du cabinet

1- Effectuer un état des lieux et vérifier les dispositions conventionnelles.

2- Ne pas appliquer de régularisations spontanées pour les arrêts de travail avant le 13 septembre 2023. En revanche, pour les arrêts de travail à compter du 13 septembre 2023, il est fortement recommandé d’appliquer le droit à congés.

3- Il convient d’attendre la position du gouvernement et de la CJUE.

4- Éventuellement, préparer une négociation d’un accord d’entreprise pour prévoir une période de report des congés payés.

5- Informer de manière précise, les salariés sur leurs droits à congés avant la fin de la période de prise, à savoir :

  • Nombre de congés acquis/restants
  • Nombre de congés en cours d’acquisition
  • Nombre de congés conventionnels


Il est donc impératif d’attendre la décision du Conseil constitutionnel et surtout une réécriture des textes législatifs. Les pistes du gouvernement énoncées ci-dessus présagent une application de la jurisprudence européenne avec certaines limites (droit au report de 15 mois maximum avec un droit à congés payés de 24 jours ouvrables).

Certes les arrêts de la Cour de cassation existent, mais ils ne s’appliquent pas de plein droit au salarié. Ils n’ont de valeur qu’entre les parties et seul un juge peut décider de les appliquer.

Si une entreprise est condamnée sur un rappel de congés payés, elle pourra toujours engager la responsabilité de l’Etat pour non-transposition de la directive de 2003.

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